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On s’était étonné de ne pas voir son nom inscrit sur le mur de l’un des six bâtiments du nouveau centre de Génération Foot. Et pourtant, Papiss Demba Cissé s’était, jusque-là, affirmé comme l’une des plus grandes satisfactions de l’académie de football qui vient d’inaugurer son nouveau centre à Déni Biram Ndaw, dans la localité de Sangalkam. Sauf qu’au sein du centre qui fournit des talents au FC Metz depuis 13 ans, on n’hésite pas à dire «haut et fort» que l’attaquant des «Lions» et de Newcastle n’a pas renvoyé l’ascenseur qui l’a propulsé dans le haut niveau. «Je l’ai emmené en France et changé sa vie, mais il n’a pas changé la vie d’autres jeunes», regrette Mady Touré, le président de Génération Foot.

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Que représente le nouveau centre de Ndéni Biram Ndaw que vous avez inauguré le 16 novembre dernier ?

Génération Foot a été créé en 2000 et pendant 13 ans, nous avons fait un travail formidable. Nous avons su établir une feuille de route qui nous a permis d’en arriver là. La globalité de l’investissement s’élève à 5 millions d’Euros et nous sommes aujourd’hui à 60% d’investissement. (Le reste est accompli grâce au partenariat avec Metz, Ndlr). Maintenant, le plus dur a été fait et il faut continuer à travailler pour se maintenir dans le haut niveau. Il y aura la deuxième phase et il faut faire remonter l’équipe en Ligue 1 le plus rapidement possible. Tout cela nécessite un gros travail et c’est pourquoi nous avons fait venir Olivier Perrin qui est le manager général de Génération Foot pour qu’il élimine les lacunes des jeunes et les aider à s’améliorer rapidement.

A part Babacar Guèye, Génération Foot a aussi produit Sadio Mané, Diafra Sakho, etc. C’est forcément une grande satisfaction de les voir au plus haut niveau…

C’est le but du centre. Mais avant Sadio Mané, il y a eu les Séga Doudou Ndiaye qui a remporté la Coupe Gambardella (épreuve réservée aux équipes premières catégorie 18 ans (U19 en termes FIFA) des clubs de football français, Ndlr) avec Emmanuel Adebayor, Babacar Guèye parce que c’est la première génération. Rien n’est facile et il ne faut pas dormir sous nos lauriers. Le football nécessite des sacrifices et il faut toujours se remettre en question pour atteindre ses objectifs et être parmi les meilleurs.

«Adebayor avait donné 50% des commissions de son transfert à Génération Foot pendant quatre ans»

Qu’est-ce qui lie Génération Foot à l’international togolais, Emmanuel Adebayor ?

Je ne l’ai pas emmené en France, mais je l’y ai connu l’année où Babacar Guèye et Séga Doudou Ndiaye y sont allés. Adebayor est comme un jeune frère. Je le considère comme un frère et lui donne des conseils. Après, il m’a ensuite rejoint à Monaco où je réside. Et au moment de son transfert de l’AS Monaco à Arsenal (Angleterre), il a donné des instructions à son agent pour que 50% des commissions soient versés à Génération Foot pendant quatre ans. En retour, c’est pour le remercier de ce geste que j’ai baptisé un «trèfle» (appellation donnée aux bâtiments du centre de Déni Biram Ndaw, Ndlr) en son nom. Et si l’on évalue en termes financiers, il nous a donné plus que celui d’un «trèfle». C’est une très grande satisfaction. Comme pour Babacar Guèye. Même si ce qu’il a fait, c’est une obligation de sa part. Mais, comme j’ai l’habitude de le dire, j’ai changé la vie de pas mal de jeunes et ils n’ont pas transformé la mienne. Mais avec Babacar, nous avons une relation différente. Il est né devant moi et je le considère comme mon frère, je peux même dire mon fils. Son fils aîné porte mon prénom et il n’y a pas plus que cela dans la vie. C’est déjà une reconnaissance à ma modeste personne et je l’en félicite et prie pour que Dieu le protège et lui prête également une longue vie.

Diafra Sakho, Sadio Mané, Babacar Guèye, ils ont tous leur «trèfle» dans ce nouveau centre de Génération Foot, contrairement à Papiss Demba Cissé qui est pourtant un produit du centre comme les autres. Pourquoi ?

Si vous n’avez pas vu le «trèfle» de Papiss Demba Cissé… (Il coupe, puis reprend). Je l’ai sollicité et c’est à vous de lui demander pourquoi il n’a pas contribué à la construction de Génération Foot. En tout cas, j’ai fait ce que je devais faire pour lui. Je l’ai emmené en France et j’ai changé sa vie, mais il n’a pas changé la vie d’autres jeunes. Aujourd’hui, s’il a un comportement pareil, ce n’est pas une bonne chose de sa part. Parce que si les Babacar Guèye, Séga Doudou Ndiaye et Dino Djiba avaient fait comme lui, il ne serait pas aujourd’hui à Newcastle. Honnêtement, je le dis haut et fort, il n’a rien fait pour nous. J’ai changé sa vie, mais il n’a pas changé la mienne. Mais je pense que ce sont les familles (des joueurs) qui doivent jouer un grand rôle. On ne peut pas prendre un gamin à bas-âge, le former, lui donner une vie, l’aider et qu’au retour qu’il n’y ait pas ce genre de geste. Je trouve cela déplorable de la part de la famille de Papiss et c’est dommage.

«Papiss avait la jambe dans le plâtre, mais j’ai pris le risque de l’emmener alors que Metz ne l’avait jamais vu jouer»

Dans quelles conditions l’aviez-vous emmené à Metz ?

Papiss n’a pas été formé par Génération Foot. Je l’avais vu jouer à l’AS Douanes et il y avait deux jeunes repérés par Jean Fernandez (ancien entraîneur de Metz de 2002 à 2005). Son père est venu me voir pour me dire que son fils ne jouait pas et voulait qu’on l’aide. Quand j’ai vu la situation de Papiss, j’ai eu mal au cœur. A ce moment, il s’était cassé la jambe lors de la finale entre l’AS Douanes et le Jaraaf. Il avait la jambe dans le plâtre, mais j’ai pris le risque de l’emmener et il est allé signer un contrat alors que le Fc Metz ne l’avait jamais vu jouer. Aujourd’hui, il devait être le premier à s’investir dans l’académie parce qu’il n’a pas été formé par Génération Foot et pourtant, il est parti avec notre label. Mais s’il se comporte de la sorte, je n’ai aucune rancune envers lui. Je lui souhaite bon vent et que chacun suive son chemin.

Comment avez-vous réussi à convaincre les dirigeants du FC Metz à prendre un joueur qui avait la jambe dans le plâtre et qu’ils n’avaient jamais vu jouer ?

C’est parce que j’ai fait mes preuves en plus d’avoir un bon carnet d’adresses. J’ai été joueur et sergent-recruteur. Je me suis engagé à 100%. Quand Babacar Guèye arrivait à Metz à 15 – 16 ans, il était chez les pros. Donc, quand je leur ai dit qu’il y avait un phénomène, forcément, Jean Fernandez et Francis de Taddeo (ancien entraîneur de Metz de 2006 à 2008)  m’ont fait confiance. A partir de là, il n’y avait pas de problème. 90% des joueurs que je présente ne font pas de tests.

Quel diagnostic dressez-vous pour le football sénégalais après cette nouvelle élimination par la Côte d’Ivoire ?

Si depuis 2002 on n’est pas allé à une autre Coupe du monde, c’est un bilan négatif. Il y a eu 2006 (Allemagne), 2010 (Afrique du Sud) et prochainement le Brésil en 2014. En Coupe d’Afrique aussi, c’est négatif. Il ne faut pas qu’on cherche à caresser les gens dans le sens du poil. Nous n’avons pas bien travaillé et tout le monde est concerné, y compris moi. Maintenant, il faut que les présidents de club, Ligue 1, Ligue 2 et National essaient de faire une bonne formation. Tous les clubs qui veulent arriver au haut niveau doivent avoir un centre de formation. Il faut aussi un championnat régulier pour que toutes les catégories jouent au football. Il n’y a que par ces moyens qu’on peut développer notre football et hisser notre niveau. Il faudra aussi que la DTN (Direction technique nationale) nous fasse un programme sur les quatre années à venir. Nous devons avoir une feuille de route pour dire l’objectif en 2015, en 2017 et 2018 où il y aura la Coupe du monde (Russie). A partir de là, on fixera nos objectifs et s’ils ne sont pas atteints, je pense qu’on devra rendre le tablier.

Avec la génération de bons joueurs qui évoluent dans les grands championnats européens, quel avenir prédisez-vous à cette équipe du Sénégal ?

Nous avons la tonne et le quintal de bons joueurs, mais Alain Giresse doit faire la part des choses au sein de la sélection. Si l’on n’est pas qualifié en Coupe du monde, je n’ai pas d’état d’âme pour Giresse. Il faut qu’on ait le courage de le dire, s’il a un problème avec un joueur, qu’il le dise. Si le joueur doit être sanctionné, qu’il le soit mais que ça ne soit aussi pas une punition trop longue non plus. S’il dit qu’il ne ramène pas Demba Bâ en équipe nationale parce qu’il avait raté son match, (contre l’Angola, 1-1), OK. Mais aujourd’hui, il y a combien de joueurs qui sont en équipe nationale et qui n’ont pas toujours bien fait leur travail ? Il ne faut pas qu’il y ait de la rancune. Le football, c’est le partage. Il faut prendre les joueurs en forme pour pouvoir faire une bonne équipe nationale. Tant que nous ne le ferons pas, on ne gagnera rien. En football, l’injustice se paie cash. Il n’y a aucune raison de ne pas le rappeler. Il faut qu’on arrête de dire que nous avons un groupe. L’équipe nationale n’est pas un groupe, mais on doit prendre les joueurs en forme du moment.

 

iGFM

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