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Milieu de West Ham et capitaine de la sélection sénégalaise, Mohamed Diamé (26 ans) est devenu une figure reconnue ces dernières années pour ses performances sportives. Pourtant, son histoire est assez méconnue. Celui qui se faisait appeler le « petit Momo » a connu une ascension rapide à Lens avant de se voir interdire la moindre pratique sportive à cause d’une anomalie cardiaque. Sans diagnostic certain et devant s’occuper de sa famille, il s’est reconstruit des mois après, en troisième division espagnole. Un parcours du combattant qu’il a livré pendant près de deux heures autour d’un chocolat chaud à Londres.

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INF Clairefontaine (2000/2003)
« Ceux qui m’ont connu à Clairefontaine me voient comme un monstre maintenant. On m’appelait le petit Momo tellement j’étais fin »

« Mon père m’a inscrit à 7 ans à l’US Créteil, où je suis né. Le club envoyait des joueurs faire des tests à Clairefontaine. J’avais 13 ans, je crois. Ça s’est bien passé. Il y en avait plusieurs car, à l’époque, tout le monde voulait y être. Aujourd’hui, beaucoup de parents essayent de passer par les clubs. Finalement, on me prend. J’y allais du dimanche soir au vendredi après l’école et l’entraînement. Le week-end, je jouais avec Créteil.

Tu commences à prendre tes responsabilités car des horaires sont fixés pour manger, aller à l’école et à l’entraînement. Tu vois que ça commence à être sérieux. Ils te forment au niveau du football, mais aussi humainement par rapport au respect, à la discipline, à toutes ces choses-là dont tu as besoin pour ta vie d’Homme. L’école était vraiment sur le même pied d’égalité que le football. Dans la tête des formateurs, ce n’était pas le cas, mais ils nous faisaient comprendre que l’école était aussi importante que le football. Le bus venait nous chercher tous les matins pour nous emmener dans un collège public. C’était amusant (rires). Non, je n’abusais pas ! J’ai fait des choses comme tout adolescent, mais j’étais assez tranquille.

J’ai eu la chance avec cette promotion 87 d’avoir comme coach Francisco Fiho, un Brésilien. Il peaufinait les choses techniquement. Il voyait le football par le ballon plus que par la course on va dire. La première année, on t’apprend les bases techniquement, ce qui est le plus important pour un joueur de football. Quand tu as les bases techniquement, tu peux toujours t’améliorer, même seul, en bossant physiquement par exemple. En deuxième année, on avait un peu plus de physique, de tactique. La troisième année, c’était un peu de tout.

J’étais avec la génération de Blaise Matuidi et Mehdi Benatia. Blaise, c’était un ailier gauche à l’époque (rires) ! Quand on faisait les tests d’endurance… Il était toujours devant ! Il a toujours eu ces poumons-là ! Mehdi, il était attaquant ou dix. Techniquement, il était au-dessus de la moyenne. Plus il a grandi, plus il est passé derrière. Moi, je jouais numéro dix. J’étais tout petit, pas du tout costaud (rires). Ceux qui m’ont connu à Clairefontaine me voient comme un monstre maintenant. On m’appelait le « petit Momo » tellement j’étais fin (rires). Avec Blaise, on était les deux petits.

J’ai encore des contacts avec quelques-uns et quand on repense à ces années, ce n’est que du plaisir. Je me sens privilégié d’être passé par là-bas. D’autres l’ont mal vécu. Au bout de deux semaines dans notre promotion, certains ont fait : « Non, j’arrête ! » Ils voulaient rentrer chez eux, avec leur famille. J’avais une autre vision des choses. Je profitais, tout simplement.

RC Lens (2003/2006)
« A 18 ans, j’ai fait des bancs en Coupe d’Europe avec Francis Gillot. Il croyait vraiment en moi »

Avant d’aller à Clairfontaine, j’ai signé avec Lens. C’était plus par rapport à mon père. Quand je suis arrivé à Clairefontaine, il est tombé malade, il a eu un cancer. C’était plus son envie de me protéger, que mon avenir soit déjà un peu carré. Il ne voulait pas laisser ça dans le flou.

J’arrive à 16 ans avec Jérémy Blanc et Elton Barbosa. La première année a été un peu compliquée. Je n’ai pas eu le temps de jeu que je pensais avoir. J’ai eu mon temps d’adaptation avec le froid du nord et tout ça (rires). Physiquement, j’étais dans la continuité, toujours fin. C’est en 18 ans où mon corps s’est mis à grandir comme ça sans savoir pourquoi (rires). J’ai signé mon contrat élite (on l’appelait comme ça à l’époque), et j’ai côtoyé le monde professionnel. A 18 ans, j’ai fait des bancs en Coupe d’Europe avec Francis Gillot. Il croyait vraiment en moi.
Tout le chemin que j’ai fait, c’était dans cet objectif. Toutes ces concessions… (Il marque une pause)Quand je dis à des gens aujourd’hui que je suis parti de chez moi à 13 ans, ils répondent : « Ah bon ? Comment tu faisais ? » Je ne sais pas vraiment. C’était naturel. J’ai vu des gens qui souffraient vraiment de ne pas être avec leur famille. Moi, je ne le voyais pas dans ce sens-là. C’était un plaisir ce qui m’arrivait.

Pour revenir à Gillot, dès que je suis arrivé, j’ai vu qu’il voulait m’amener réellement vers le haut. Il m’a pris dans son bureau et m’a dit que si je bossais, j’allais faire une belle carrière.
La saison d’après, on commence la présaison à la Gaillette. Juste avant de partir en stage, il est venu me voir après un entraînement : « Tu vas aller à l’hôpital faire un petit examen et tu nous rejoins en stage. » Sauf qu’après cet examen, je ne les ai jamais revus.

Anomalie cardiaque, tests et un an d’arrêt (2006/2007)
« D’un côté, je comprends que les gens fassent leur job et qu’ils ne veulent pas prendre de risques. Je le comprends parfaitement. Mais moi, je suis prêt à prendre le risque »

Après les examens, on me dit : « Il y a une anomalie. On doit faire des tests plus approfondis, mais on aura les résultats que dans six mois. » Tout a commencé à s’écrouler. Les gens commencent à dire que je dois arrêter le foot. Tout s’écroule. Tout ce que j’ai fait… On m’annonce ça d’un coup. Ce n’est pas comme si j’avais eu un malaise avant ou quoi que ce soit. J’ai joué au foot toute ma vie et on me dit un jour que j’ai une anomalie et que je dois arrêter.

Pendant six mois, je fais des aller-retour Lens-Créteil. Dès que je m’ennuie à Lens, je repars à Créteil. On m’interdit carrément de fouler la pelouse. Je ne peux même pas courir autour du terrain, rien. Je ne peux faire aucun truc sportif. Je me fais sacrément chier.
Lens, par contre, s’est vraiment bien comporté. Ils m’ont soutenu. Le coach venait de temps en temps me voir pour me demander si je voulais venir avec le groupe quand ils jouaient à l’extérieur, genre à Marseille. Il essayait d’être là, mais je n’avais pas trop la tête à ça. Je ne voyais que des mauvaises choses autour de moi

Peur de mourir ? Si j’étais tombé sur le terrain, ça m’aurait fait réfléchir. Tu as 19 ans, ton père n’est déjà plus là, c’est à toi de prendre soin de ta famille. Tu ne vas pas les laisser avec une personne en moins encore. A partir de ce moment-là, c’était moi l’homme de ma famille.

Six mois après, on prend la décision de résilier le contrat car ça n’avait pas de fin. J’étais à Lens, Créteil, dans des hôpitaux… J’ai fait tellement de tests, tu n’imagines pas. Dans ma tête, ma carrière n’est pas finie, jamais ! Je serais allé en Malaisie s’il le fallait (rires) ! Ce n’était pas possible. Je me dis qu’il y a bien un endroit où je vais pouvoir jouer au foot. J’ai quand même peur que partout où j’aille, on me réponde : « Non, tu ne peux pas jouer ! »

Peur de mourir ? Si j’étais tombé sur le terrain, ça m’aurait fait réfléchir. Tu as 19 ans, ton père n’est déjà plus là, c’est à toi de prendre soin de ta famille. Tu ne vas pas les laisser avec une personne en moins encore. A partir de ce moment-là, c’était moi l’homme de ma famille. C’était : « Je suis footballeur ou je suis footballeur, il n’y a pas d’autres solution ! » Tu deviens le patron, le responsable de la famille alors que tu es très jeune. Je devais les aider.
En plus dans cette histoire, des médecins m’ont dit que c’était une anomalie de naissance. Pourquoi on ne m’a pas détecté ça avant ? Je suis passé par Clairefontaine qui a un vrai suivi médical quand même. Je n’ai jamais rien senti, même pas des battements un peu plus forts ou je ne sais quoi. Je joue depuis que j’ai 7 ans et je vais continuer. Je vais aller jusqu’au bout et je vais leur montrer. D’un côté, je comprends que les gens fassent leur job et qu’ils ne veulent pas prendre de risques. Je le comprends parfaitement. Mais moi, je suis prêt à prendre le risque.

Je ferme les yeux sur la France. Je ne cherche même pas un autre club car je sais que Lens va rapidement être là pour dire : « Attention ! » Je m’entraîne, je reste en forme. Je contacte quelques agents, français et étrangers, et j’explique ma situation. Certains me disent oui, mais ils ne veulent pas prendre de risques. Je ne leur en veux pas, je comprends parfaitement aussi.

CD Linares en D3 espagnole (2007/2008)
« Je voulais me faire oublier. Même des amis que j’avais l’habitude d’avoir au téléphone ne m’ont pas entendu pendant un an »

J’ai eu la chance d’avoir un essai à Linares, en troisième division espagnole. C’était mon opportunité. Celle de repartir à zéro. Je voulais rejouer au football, mais aussi me faire oublier. Je voulais arriver dans un endroit où personne ne me connaisse. On me jugera sur mon football et rien d’autre.

J’ai signé un an avec une option d’une année si je fais 25 titularisations ou un truc comme ça. L’équipe jouait la montée et j’ai passé une belle saison. Au bout de six mois, des clubs s’intéressent à moi. On jouait à deux au milieu, c’était parfait. J’ai pris franchement du plaisir. Maintenant, c’est : « Profite, profite ! Tu n’as plus le droit de dire que le foot c’est dur, profite, profite, profite un max ! »

J’ai toujours su où je voulais aller. Je savais que j’avais les qualités pour aller là-haut, il fallait juste que je bosse. Mais c’était important de me faire oublier. Même des amis que j’avais l’habitude d’avoir au téléphone ne m’ont pas entendu pendant un an. Aujourd’hui, ils me disent : « Putain, tu n’as pas donné de nouvelles pendant un an (rires) ! » Par contre, j’avais ma mère tout le temps au téléphone. Je suis rentré une seule fois, pour les vacances de Noël. Je voulais qu’on me laisse juste faire ce que j’aime : jouer au football.

Linares ? C’est une ville chaleureuse, tout le monde se connaît ! Il n’y a pas beaucoup d’Africains par contre (rires). Mais j’ai été super bien accueilli, les gens m’aimaient bien. C’est en Andalucia (ndlr, sud de l’Espagne), à deux heures de Séville. Puis, j’en ai profité pour apprendre une nouvelle langue. Je parle espagnol couramment aujourd’hui.

Rayo Vallecano en D2 espagnole (2008/2009)
« On n’a pas été payé pendant des mois »

Le Rayo Vallecano (D2) me contacte. Un club qui a une histoire, en plus situé à Madrid. C’est aussi une opportunité de me faire voir. Avant, je voulais me faire oublier, mais maintenant je suis revenu dans le circuit. Le but est d’aller là-haut. C’était le club qui arrivait au bon moment pour mes objectifs.

J’ai fait une saison pleine. On a joué la montée, mais on finit malheureusement 4eme ou 5eme, je ne me souviens plus exactement. Encore une fois, ce n’était que du bonus. Avec tout ce que j’ai appris à Clairefontaine, c’était un contexte où je me retrouvais facilement. En plus de ça, j’avais pris mon gabarit. J’étais devenu costaud. Par rapport aux Espagnols qui sont plus des joueurs habiles techniquement et qui sont moins dans la puissance, ça m’a aidé.

Le club avait quelques soucis d’argent. On n’a pas été payé pendant des mois. J’arrivais à survivre, mais ce n’était pas facile car ma mère, mes frères et mes sœurs étaient à Paris et je devais leur envoyer de l’argent. Il ne fallait pas que j’oublie de jouer, de me montrer pour partir, avoir un meilleur contrat et accélérer les choses pour mettre ma famille à l’abri le plus tôt possible.
Avec l’équipe, on a eu au moins une quarantaine de réunions : « Ce n’est pas normal ! Il faut qu’on arrête, qu’on fasse quelque chose, qu’on convoque le président ! » (Rires) Lui, il faisait des promesses qu’il ne tenait jamais. J’ai eu la chance de rencontrer des coéquipiers avec qui je suis toujours en contact aujourd’hui et qui viennent me voir. Ce sont des frères. Ils m’ont soutenu, toujours. C’était : « Viens, on va manger ensemble ! Mange chez moi ! » Dès qu’un était dans le besoin, les autres étaient là. L’un s’appelle Carlos Caballero et joue aujourd’hui à Cordoba (D2). L’autre a arrêté le foot, c’est Manuel Arroyo. Les liens sont restés intacts et ils resteront.

« Je ne voulais pas aller à Wigan, je voulais rester en Espagne (rires). Je m’y sentais bien et je ne voulais pas encore apprendre une nouvelle langue, surtout que j’aimais la vie ici »

Ces épreuves difficiles, je les faisais tout en prenant du plaisir. Puis vivre à Madrid, c’est génial. C’est une ville super sympa : le temps, les gens, les filles (rires). Vu qu’il fait beau, elles ne sont pas habillées comme les Anglaises (rires).
En fin de saison, j’avais plusieurs propositions de clubs de première division espagnole et un d’Angleterre, Wigan. Le Real ? Ils voulaient me signer pour la réserve. L’Espagne offre la possibilité à des clubs d’avoir une réserve en deuxième ou troisième division. Eux, ils étaient en D3 à l’époque. C’est quelque chose de grand, de magnifique, mais ce n’était pas bon pour moi. On n’est pas allé jusqu’à parler du contrat, mais ils avaient l’intention de me récupérer pour la réserve. Et même si tu te dis que tu es au Real Madrid et que tu auras toujours une issue de secours, ce n’était pas mon objectif.

Le Rayo avait besoin d’argent. Les clubs espagnols en ont beaucoup moins que Wigan. Moi, je ne voulais pas y aller, je voulais rester en Espagne (rires). Je m’y sentais bien et je ne voulais pas encore apprendre une nouvelle langue, surtout que j’aimais la vie ici. Mais le problème, c’est que les clubs espagnols voulaient payer le Rayo en trois ou quatre ans. Ça ne leur convenait pas car ils avaient besoin d’’argent immédiatement. Wigan payait cash. Le club m’a un peu forcé à partir même si j’ai insisté (rires). J’ai refait la préparation avec le Rayo et je disais : « Si vous ne me vendez pas en Espagne, je reste ! » J’ai fait le forcing. Mais à une ou deux semaines de la fin du mercato, j’ai réfléchi et j’ai pensé que je n’aurais peut-être pas cette possibilité deux fois. En plus, Roberto Martinezm’avait appelé. Un coach espagnol, ça m’a motivé aussi. Et je suis parti.

 

Retrouvez la deuxiéme partie ici

 

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