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Moussa Sow affiche fièrement sa «sénégalité» ! L’attaquant international de qui est parti l’affaire dite des quotas chez les «Bleus», recadre ici, le débat sur le manque d’engagement de certains joueurs notamment des «binationaux». L’auteur des deux buts sous l’ère Giresse, parle également de sa foi, ses actions dans son village (Agnam Thiodaye), de son club et de la tanière. Il a accordé l’interview à Sud Quotidien à l’hôtel Riviera Royal à Conakry, à 48 heures du match Sénégal-Angola (1-1). |
Mon rôle dans la sélection
«Je fais parti des cadres de l’équipe nationale du Sénégal. Tout comme Demba Bâ, Momo Diamé, Rémi Gomis et d’autres joueurs qui ont été là depuis très longtemps. Nous essayons tous de donner une image positive dedans et en dehors du terrain. Surtout par rapport aux jeunes joueurs qui viennent d’arriver. Il faut leur faire comprendre que l’équipe nationale est quelque chose de très important. Ce n’est pas parce que nous avons de bonnes individualités que nous avons une équipe. Le plus important, c’est le collectif. Il faut respecter les horaires pour les réunions, les entraînements, les déjeuners. C’est comme ça que nous avancerons ensemble.
Mon intégration s’est bien passée. Les joueurs qui étaient là m’ont tendu la main. Je peux citer Diomansy Kamara, Mamadou Niang, Kader Mangane, Souleymane Diawara, etc. Ils étaient déjà imprégnés et très bien intégrés à la tanière. Ils nous ont bien accueillis. Parce que l’équipe nationale est différente de ce que nous vivions en Europe.»
Quota sur les bi-nationaux
«J’étais à Lille à l’époque où il y a eu l’affaire des quotas sur les bi-nationaux en France et tout ce qui s’en est suivi. Ce que les gens n’ont pas compris, c’est que je pensais à la sélection du Sénégal depuis Rennes. Mon objectif n’a jamais été de jouer en équipe de France. Dans ma tête, il n’y avait que le Sénégal. Et pour rejoindre les «Lions», je n’ai pas attendu que les choses aillent bien. Je suis venu à un moment crucial. J’ai fait un choix. Quand, je suis arrivé, l’équipe était au plus bas. Elle était en reconstruction. Il y avait encore les Amsatou Fall, les Amara Traoré etc. Ensuite, j’ai connu une belle année à Lille où tout s’est bien passé. Peut-être que mon choix pour le Sénégal a été l’élément déclencheur dans ce débat. Mais je pense que c’était une bonne chose».
Choix de Fenerbahçe
«Beaucoup de gens n’ont pas compris que Moussa Sow, meilleur buteur du championnat de France, choisisse la Turquie alors qu’il y avait d’autres championnats supposés plus huppés dont certains clubs frappaient à ma porte. Mais, je reste convaincu que le championnat turc est très relevé. C’est un bon championnat. Je ne regrette pas mon choix. Ce qu’on demande à un attaquant, c’est de marquer des buts. J’en marque. Tout se passe très bien. J’avais envie de découvrir autre chose. Peut-être que l’envie me viendra de changer et à ce moment j’aviserai. Pour l’heure, je n’ai pas envie de quitter le championnat de Turquie. Pour moi ce n’est juste un tremplin, j’aime vraiment ce championnat. Ma première année, j’ai gagné la coupe de Turquie. Cette année, nous sommes deuxième du championnat. Et si tout se passe bien, nous allons essayer de remporter le titre. Nous sommes également en quart de finale de l’Europa League. Vous voyez que je suis en course sur tous les tableaux. Je ne peux rien regretter. J’espère plutôt aller le plus loin possible».
Mon avenir
«On m’envoie par ci, par là. Mais, c’est le propre du football moderne. Les gens n’arrêtent pas de vous transférer pour une raison ou pour une autre. Mais dans ma tête, je reste concentré. Dieu merci d’ailleurs, je reste ainsi parce que si j’écoutais toutes ses sirènes je ne serai pas capable de faire des performances, même si je dois dire c’est tant mieux que ça parle, autour de moi».
Bata, impossible d’oublier
«Bata ! Non, je ne peux pas oublier. C’est impossible. Bata, nous reste toujours en travers la gorge. Nous avions fait de très bonnes qualifications (le Sénégal avait éliminé le Cameroun et la Rd Congo, Ndlr). Tout le monde nous voyait très loin et nous idem. Malheureusement, nous avons pris un gros coup sur la tête. Bata, c’est la compétition qui nous a servi de leçon. Cette CAN 2012 a démontré que ce n’est pas parce qu’on a des très bonnes individualités qu’on dispose forcément d’une équipe capable de gagner la compétition. Bata a démontré si besoin en était que le plus important, c’est plutôt le collectif. Même si c’est avec des individualités qu’on forme un collectif».
Demba Ba et moi
«J’ai appris à connaitre Demba. J’avais entendu parler de lui quand il jouait en Belgique (Excelsior Mouscron, Ndlr), puis à Hoffenheim en Allemagne. J’avais même joué contre lui sans le connaitre. Il évoluait à Rouen (CFA, 2005-2006, Ndlr). Mais, je l’ai connu vraiment en sélection. D’abord, on joue tous en attaque. La langue également a joué un autre rôle. Il est Halpoular comme moi. Ensuite, les choses se sont accélérées quand mes parents, ma mère, la deuxième épouse de mon père, ainsi que ses parents (sa mère et sa sœur) sont allés ensemble faire le Haj à La Mecque. Le lien entre Demba et moi, s’est encore renforcé. Ça me fait plaisir parce que c’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup. Dieu merci. Le peuple sénégalais aussi parce que là, il est à Chelsea. C’est une fierté pour nous les Sénégalais qu’un joueur comme lui, soit dans un des meilleurs club d’Europe».
La religion avant tout
«La religion occupe une place importante dans ma vie. Le Diin, est quelque chose de très important pour Demba et moi, mais aussi pour l’ensemble des joueurs de l’équipe nationale. La religion vient avant tout. Nous sommes très heureux que Dieu nous ait permis d’être musulmans. Ça nous évite de faire n’importe quoi».
Ma bi-nationalité
«Sur ce point, j’aimerais marquer un temps d’arrêt. Nous faisons des sacrifices pour venir jouer en sélection. Nous évoluons en Europe où nous sommes nés parce que nos parents y travaillent. Nous aurions dû dire que nous allons jouer ailleurs.
Nous vivons en Europe mais il ne faut pas que les gens pensent que nous ne connaissons pas nos origines. Toutes les années, nous allons rendre visite à nos parents. Moi, je vais au Sénégal depuis que je suis tout petit. Je vais même jusqu’au Fouuuta pour voir mes parents. (Ses parents sont originaires de Agnam Thiodaye, Ndlr). J’y reste deux semaines voire plus. Je dis à mes parents qu’il faut que j’aille au Sénégal, tous les ans. Pour moi, c’était important de connaitre d’où viennent mes parents, leur culture, mon pays et connaitre comment ça se passe là bas.
Mais après Bata, on est venus me rapporter que la contreperformance était la faute des binationaux, patati, patata. On entend aussi les gens nous traiter de toubabs (blancs). Pourtant personne n’est plus sénégalais que nous. Nous sommes Sénégalais au fond de nous-mêmes. Personnellement, je me vois plus sénégalais que français, j’aime ce pays. J’aime le Sénégal. J’aime m’y rendre. J’aime l’équipe nationale du Sénégal. J’aime mouiller son maillot. Je voudrais vraiment que les gens arrêtent ce débat puéril. Nous ne sommes pas des binationaux. Nous sommes des sénégalais à part entière. Tout n’est pas rose dans la sélection. Mais, ce n’est pas parce que ça ne marche pas lors d’un match qu’il faut chercher des bouc-émissaires. Ça ne me décourage pas. Mais, je pense que le débat est ailleurs. Je soutiens ce peuple qui m’aime et je veux lui rendre cet amour. Nous allons tout faire pour nous qualifier à la coupe du monde, Inch Allah».
Un forage pour mon village
«J’ai aidé mon village à avoir un forage. Concrètement, c’est mon père qui m’en a parlé. Il y va régulièrement. Lors de son séjour, les gens l’ont interpellé et il est venu m’en parler. Je ne pouvais pas rester indifférent à cette demande quand même. Les gens savaient que je jouais au football que je suis en quelque sorte un des leurs. Je voulais d’abord faire quelque chose pour ma mère et mon père qui sont tous nés à Agnam Thiodaye. Je voulais leur faire plaisir. Et je crois que le fait d’aider les gens à boire de l’eau potable dans cette partie du Fouta, ça leur a plu. J’en suis fier. D’ailleurs, mon père est parti pour l’inauguration (C’était mardi 19 mars, Ndlr)».
Respect pour mon père
«Mon père me raconte plein d’anecdotes sur comment il a fait pour venir travailler en France. Ce qu’il a fait au village. Il est allé ensuite à Thiès, à Dakar et dans différentes autres villes du pays. Il a su nous donner une bonne éducation. Je le remercie pour ça. Dieu l’a beaucoup aidé pour élever ses enfants parce que ce n’est pas évident.
Il a aussi maintenu le cordon ombilical avec ses origines. Quand, je vais dans mon village, vous ne pouvez pas imaginer la joie que je procure aux jeunes. Ils sont fiers de me voir. J’ai bien observé les jeunes de mon village et du Sénégal. Ce sont des gens qui se battent. Ça me fait chaud au cœur quand, je vois des enfants courir derrière moi. Ce n’est pas de l’ostentation. Mais, je crois que les gens sont fiers de ce que je fais dans mon club, en sélection et, de mon comportement.
J’ai d’autres projets avec Demba Bâ que nous envisageons pour le Fouta. Mais, je ne peux pas en parler pour le moment. C’est encore trop tôt».
Racisme dans le Football
«J’ai déjà vécu le racisme. Ça m’est arrivé quand j’étais avec l’équipe de France chez les jeunes. Nous étions champions d’Europe en 2005-2006. C’était la génération des Gourcuff, Abou Diaby et beaucoup d’autres joueurs à l’époque. Nous avions joué en Espagne. Il y avait des cris de singes dans les gradins. C’est la seule fois que cela m’arrivait. Je n’arrive pas à le comprendre, parce que nous sommes au 21ème siècle quand même. C’est peut-être un problème de génération où les familles ont inculqué à leurs enfants cette haine envers les noirs. Pour moi, nous sommes tous égaux. On vit et on va mourir un jour. Personne n’est supérieur à l’autre».
Sudonline
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