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Consultant depuis 2012, Safik Saifi, ballon d’Or algérien en 2008, aide les téléspectateurs de la Chaîne «Al Jazeera Sport» à mieux comprendre les aspects du jeu. L’ancien attaquant, international algérien (64 sélections) a accepté, pour L’Observateur, de revenir sur le match Algérie/Sénégal, qui a valu aux Lions une élimination précoce. Avec le recul, il pose un regard critique sur la Can et déplore l’absence de vrais numéros 10, capables d’être décisifs.

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Rafik Saïfi, comment expliquez-vous les difficultés du Sénégal face à l’Algérie ?

J’ai souhaité voir le Sénégal et l’Algérie aller loin dans cette compétition. Parce que j’ai beaucoup d’amis et de frères sénégalais. Le Sénégal avait l’effectif pour réaliser une performance. Mais à un certain niveau, il ne faut pas commettre certaines erreurs. Il n’y a pas que l’entraîneur, mais Giresse a une grosse part de responsabilité dans cette élimination. Sur les six derniers matches, il a changé quatre fois de système. Il faut faire un choix. Depuis l’arrivée de Gourcuff, l’Algérie joue en 4-4-2. Mais le Sénégal, on ne sait pas avec quel système il joue. Tactiquement, un entraîneur doit mettre en place un système en fonction des joueurs dont il dispose. De plus, les joueurs qui reviennent de blessure, comme Mané (Sadio), on ne peut les faire jouer directement. Qui plus est, la force de Mané est de faire jouer les autres et pas le contraire.

Contre l’Algérie, le Sénégal a pris un but sur une transversale (balle arrêtée). A ce niveau, comment peut-on prendre un but pareil ?

Le premier but encaissé par le Sénégal contre l’Algérie est inacceptable. Mais c’est par rapport au système : une défense à trois, où il n’y avait pas de couverture. Les Algériens ont su exploiter cette faille, en jouant dans la profondeur. Ryad Mahrez est venu de derrière pour se retrouver face au gardien. Même sur le deuxième but, la couverture était loin. Il y avait trop d’espace. Le Sénégal, avec son effectif, pouvait bien jouer en 4-4-2, losange ou simple. A quatre derrière, ils sont plus costauds. C’est dommage.

Après le Sénégal, l’Algérie va devoir sortir le grand jeu pour se tirer d’affaire face à la Côte d’Ivoire en quart de finale. Un match au parfum de revanche…

C’est une finale avant l’heure. On connaît les Ivoiriens. En 2010, on avait battu cette équipe en quart de finale (2-3, TAB). J’étais dans l’équipe. Mais là, c’est un autre match, avec d’autres arguments pour chacune des deux équipes. Il faut être bien en place, bien jouer et être concentré à 100%. J’espère qu’on sera dans un bon jour pour faire la différence. Mais il faut reconnaître que dans cette Can, toutes les équipes montent en puissance.

Qu’est-ce qui explique que les matches de la Can soient aussi fermés : l’aspect tactique n’est-il pas en train de prendre le dessus sur le jeu ?

Les aspects tactiques sont de plus en plus essentiels. Presque tous les joueurs évoluent dans les grands clubs. Ils n’ont pas de problème d’adaptation par rapport aux schémas tactiques. Il y en a très peu qui ne comprennent pas ces schémas. Ce qui fait qu’on a une Can tactique, physique, qui se joue sur des détails. On assiste à des matches fermés. La preuve, il n’y a pas eu une équipe favorite, qualifiée dès la deuxième journée. Des sélections comme celle de la Guinée et du Congo ont réussi à hisser leur niveau de jeu.

Du point de vue de la créativité, cette Can ne manque-t-elle pas de joueurs de classe, comme ces numéros 10 qui faisaient des merveilles, des joueurs capables d’être décisifs à tout moment?

Il en manque un peu. On a deux ou trois joueurs qui peuvent faire la différence avec des dribbles. Mais on n’en a pas eu, parce que les matches sont fermés. Avant, on avait de vrais numéros 10, des joueurs qui pouvaient faire la différence. Le Sénégal, à l’époque, avait des joueurs comme Khalilou Fadiga et El Hadji Diouf, qui pouvaient, sur un match, faire la différence. Sur une passe, Fadiga pouvait faire la différence. Le Cameroun avait Eto’o. Aujourd’hui, on parle de Aboubakar et Clinton Njie. Mais il faut arrêter de comparer l’incomparable. Eto’o peut faire la différence tout seul. Malheureusement, ces joueurs, on en a de moins en moins. Le football en Afrique et même en Europe, devient de plus en plus tactique, de plus en plus fermé. Les joueurs n’ont plus de suffisamment de liberté pour exprimer leurs talents. En Algérie, par exemple, Brahimi n’a pas encore montré toutes les facettes de son jeu. On a besoin de joueurs comme ça, de vrais numéros 10. Malheureusement, on en a très peu. On a de moins en moins des joueurs comme Okocha. Même des tireurs de coups francs, on n’en a plus beaucoup. On met plus l’accent sur les aspects tactiques et physiques.

Comment expliquer cette absence de spontanéité dans le jeu, qui était pourtant une marque identitaire du joueur africain…?

En toute modestie, j’ai joué en Europe. Tactiquement, j’ai beaucoup appris là-bas. Mais cela ne m’a pas empêché de garder mes qualités techniques pour faire la différence dans certaines situations. C’est un problème de gestion, surtout par les entraîneurs. Il ne faut pas enlever à un joueur sa force, ce qui fait son identité. Si un joueur a des qualités pour les dribbles, les passes…, il faut utiliser ces qualités comme une arme. Tactique et physique, je suis d’accord, mais il y a des matches où il faut quelqu’un pour faire la différence.

En Afrique, en général, et au Sénégal en particulier, les anciens internationaux ne sont trop impliqués dans la gestion du football. Quelle devrait être leur place ?

Au Sénégal, par exemple, je vois bien Fadiga dans un rôle de manager général ou directeur sportif, parce qu’il a les relations et aime son pays. Il peut aider le Sénégal sur le plan de l’organisation. Il a une bonne connaissance du football. De plus, il aime tellement son pays qu’il n’a pas dormi de la nuit après l’élimination du Sénégal par l’Algérie.

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