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C’est dans l’air du temps. La dénonciation est devenue la règle, la discrétion fait l’exception. Parler d’obligation de réserve pour la “Tanière” dans un pays où ça fuite jusqu’au plus haut niveau de l’État peut paraître puéril. Cette société est devenue un vaste espace public où les dedans se confondent avec les dehors. Et quand les joueurs de l’équipe nationale se retrouvent avec autant de licence et d’aisance à emboucher les trompettes de la révolte, pour monter sur les barricades et s’annoncer au peuple à l’heure matinale de la revue de presse, c’est juste une nouvelle chanson dans l’air du temps. Malheureusement. Car là aussi, des faiblesses coupables commencent à s’installer.

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Ce que la presse déballe montre qu’il y a urgence à revoir les règles de commandement et de fonctionnement au niveau de l’équipe nationale. Les sorties successives de Diafra Sakho, d’Issa Cissokho et de Demba Bâ, pour tailler des croupières à Giresse, heurtent les principes de l’autorité. Mais quelle que puisse être l’ampleur d’une crise, sa lecture renvoie aux causes qui l’ont générée.

On a aimé lire l’ancien international Chérif Kandji, dans Enquête de vendredi dernier. Pour lui, “il commence à y avoir trop de bavardages” au sein de l’équipe nationale. Et de dire que Giresse en est responsable. “Dès l’instant où il a commencé à s’expliquer sur ses choix, il a ouvert la brèche à toutes sortes de commentaires”. L’ancien international du Mbossé et du Jaraaf a raison. Et il faut penser que les tensions du moment, avec les dates fatidiques qui approchent pour la qualification à la Can, ont fait sauter les joints ayant jusqu’ici servi à verrouiller les remparts.

Giresse avait un crédo : ne pas parler des absents. Le cas de Demba Bâ, par exemple, a déjà été une histoire longue comme un serpent de mer. Pendant un an son absence avait été justifiée, par le sélectionneur national, comme découlant d’“un choix sportif”. Ni plus ni moins. C’était frustrant de se heurter à un silence hermétique, mais il s’agissait d’une position de principe. On pouvait l’accepter ou la dénoncer (comme on a eu à le faire dans cette chronique), c’était une question de cuisine interne.

Sortir de cette logique pour parler de la délicatesse de la cheville de Demba Bâ a été une maladresse de la part de Giresse. C’est comme ouvrir le vase de Pandore. Le “dossier médical” du joueur n’aurait pas dû être exposé ainsi. L’impact dépasse l’équipe nationale et la réaction de l’intéressé sonne comme un besoin de défendre… son intégrité physique.

Depuis que les médecins de Stoke City l’ont déclaré “handicapé” en 2011, pour lui refuser un contrat, Demba Bâ lutte pour se mettre au-dessus du doute. Avec des arguments frappants, comme ses 2 buts avec Besiktas qui ont suivi la déclaration de Giresse. Ou encore son extraordinaire série avec West Ham qui l’avait accueilli quand Stoke City l’avait rejeté.

Mais on le sait. Un joueur a souvent tendance à mentir sur sa santé quand l’envie de jouer est irrépressible en lui. La sortie prématurée de Kara Mbodj contre la Tunisie, à Dakar, en est une illustration. Il se savait malade. Le staff le savait aussi. Il avait tenu à jouer. Depuis l’époque d’Amara Traoré, on sait aussi que Demba Bâ ne supporte pas un effort répété et rapproché. Sorti de son match du weekend, il a souvent eu du mal à enchaîner avec les “Lions”, n’intégrant les séances collectives d’entraînement qu’un ou deux jours après. Convoqué contre la Tunisie en octobre dernier, il avait été indisponible pour le match aller.

Aurait-il pu jouer au Caire et enchainer à Dakar ? Aurait-il fallu le convoquer pour ne compter sur lui que pour un seul match ? Est-ce tout cela que recouvre le “problème” lié à la cheville de Demba Bâ ?

Bien sûr qu’on suppute. C’est le propre de la presse et des observateurs en général. N’étant pas de ce lot, un entraineur a moins de marge de manœuvre. On l’attend sur le terrain de la parole qui fait foi.

Ce sont ces repères que Giresse a apparemment  bousculés… sans aller jusqu’au bout. Or la communication est un domaine ou les demi-mots, les silences et les sous-entendus sont à risque. Communiquer avec efficacité, enseigne-t-on, c’est dire et se faire comprendre sans avoir à expliquer.

Depuis quelques semaines il y a eu sortie de route et beaucoup d’embardées. Ce n’est pas que la presse en dit trop, mais qu’ailleurs on n’en fait pas assez. Pour le sélectionneur national comme pour la Fédération un rappel des principes s’impose (on n’aime pas parler de code conduite, terme à l’allure trop martial).

Le sport de haut niveau cultive les égo, le  professionnalisme conforte les barrières de l’individualisme. Les équipes nationales sont plus des lieux de retrouvailles occasionnelles que des espaces de construction de dynamique. Ce sont des cadres où la concurrence est source de tensions et de conflits. L’affaire des binationaux dont parle Demba Bâ dans son entretien avec Stades tient aussi à cela. Elle est réelle. Trop d’enjeux interfèrent ainsi, qui rendent les solidarités fragiles. D’où la nécessité de certains impératifs.

On n’est plus à l’époque du “joue et tais toi”. La “Tanière” n’est pas une caserne. Le joueur n’est pas un ministre qui “se tait ou démissionne”. Une équipe porte des contradictions internes qui la font vivre en tant qu’espace clos de compétition, la dynamique qui fonde un groupe n’en a pas moins ses règles. Pour les joueurs, le coach et l’encadrement. Il faut les (re)préciser.

Bien sûr qu’on a entendu pire que les coups de sang de Diafra, Issa et Demba. Samuel Eto’o a traité Mourinho d’“idiot”. Eric Cantona a dit d’Henri Michel est qu’il un “sac à merde” (1988). Le “Va te faire enculer sale fils de pute” prêté à Nicolas Anelka à l’endroit de Domenech laisse encore des traces dans le foot français. Tout comme cette “zlatanerie” d’Ibra, qui lança à Guardiola : Tu n’as pas de couilles, tu te chies dessus devant Mourinho, tu peux aller en enfer” (2011). On se rappelle aussi que Diagne Faye a eu à prendre Kasperczak à partie, avec violence du propos, au retour d’un match au Mozambique (2006), pour lui signifier qu’il ne voyageait pas avec l’équipe nationale sur un banc, mais dans un fauteuil “titulaire”.

Mais trois saillies en quelques semaines, c’est déjà gros de dangers. Au risque d’accoucher une pagaille.

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