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Le football est une opportunité pour parfaire la géographie des enfants qui vous récitent les clubs, les villes et les pays, pour y accoler les noms des célébrités. Dommage donc que Demba Bâ débarque à Shanghai à 30 ans, ce qui n’est plus le bel âge pour faire rêver. Surtout des enfants.

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Loin de ses belles heures et sur le déclin pour ses belles œuvres, passé de Chelsea à Besiktas pour y flamber et participer à la lutte pour le titre, le parcours de Demba Bâ n’a pas suivi le défi sportif. Il a plutôt collé à l’intérêt financier. Mais peut-être aussi à sa sagesse, tant il connaît ses capacités et ses limites pour y caler ses ambitions.

Trente ans, c’est l’âge critique pour un footballeur. Le corps qui a tant donné commence à s’assoupir et on joue surtout d’intelligence. Continuer à défier le temps sur les pelouses, quand on a franchi la trentaine, est une question d’évitement des contacts. C’est la recherche du bon placement à la retombée du ballon, pour éviter les courses qui fatiguent. C’est une capacité idéale à lire le jeu et les trajectoires pour être là où il faut, un centième de seconde avant tout le monde.

Quand on peut s’offrir tout cela, avec 16 millions d’euros (10,4 milliards de francs) de transfert en prime, on ne peut se voir reprocher de savoir écouter son corps et sentir le vent pour capter le sens de ses intérêts. Le transfert de Demba Bâ au Shanghai  Senhua, pour trois ans, est une belle opportunité de fin de carrière.

Les 16,4 millions de transfert ne renseignent pas sur son salaire. Mais pour un contrat de deux ans et demi avec ce club, Drogba percevait 248 000 euros par semaine, soit 12,9 millions d’euros annuels. Ce qui faisait de lui le footballeur le plus cher en Chine. C’était en 2012. A 34 ans, il venait de Chelsea. Il avait suivi Nicolas Anelka, débarqué quelques mois plus tôt pour 12 millions d’euros de salaire annuel. Entre ces deux arrivées, il y eut aussi celle de Jean Tigana pour occuper le banc Shanghai.

C’est l’époque ou le club chinois cherchait à grandir par le haut, en usant de la renommée de ses recrues. Mais tous trois ont fait long feu. Tigana fut vite limogé après quelques journées pour insuffisance de résultats. Anelka (devenu entretemps entraineur) et Drogba suivront, pour larguer un club en pleine crise de leadership, plongé dans une bataille entre actionnaires. Le premier après 23 matches, le second après 11 matches.

Ni l’un ni l’autre ne laissant indifférent, le temps de leur passage a été un moment d’exaltation médiatique pour le club chinois. Entre les buts (3 pour Anelka, 8 pour Drogba) et les crises, Shanghai n’avait pas cessé de faire les titres de la presse internationale. Pas si gros que ça, mais cela sortait au moins le football chinois de la confidentialité.

Demba Bâ ne va pas faire remonter les enchères. Sorti d’Angleterre pour passer en Turquie, se retrouver en Chine confirme la tendance chez un footballeur qui, depuis Chelsea, avance à reculons pour passer à la caisse. L’enjeu fondamental, dans ce qui détermine sa carrière, n’est pas sportif. Trois ans de plus du côté de Shanghai ne le feront pas grandir. En toute logique, s’il va au terme de son contrat avec ce club, l’Arabie pourrait devenir une belle destination pour lui. On serait à quelques encablures du Mondial 2022 et tout ce qui rapproche du Qatar mènerait vers le centre du monde.

Ce transfert vers Shangai éloigne également Demba Bâ de l’équipe nationale. Le faire venir de l’extrême est de la Chine équivaut à deux jours de voyage. Le temps de rejoindre la «Tanière» et de récupérer de sa lassitude, on sera bien avancé dans la semaine. Cela ne milite pas pour en faire le premier nom à coucher sur une liste des 23. Sans compter les impairs causés par sa dernière convocation qui a avorté.

En termes sportifs, on pouvait rêver mieux pour Demba Bâ. Mais il ne perd pas au chapitre des intérêts financiers.

La Chine reste un pays dont le réveil a laissé son football endormi. Le gigantisme des Jeux Olympiques de Pékin-2008 a laissé des stades en faillite qui menacent ruine. L’Empire du milieu reste cette vaste étendue dont les percées sportives ont rarement dépassé les disciplines individuelles. Superbes en gymnastique, en natation, en plongeon, en tennis de table, etc., la Chine disparaît des tableaux olympiques quand l’effort d’ensemble est la règle. Le football n’a été au Mondial qu’une fois, c’était en 2002, avec une sortie en phase de poule.

Dans un univers politique où des formes de collectivisme résistent encore au capitalisme d’Etat, la Chine n’a jamais su s’adapter à l’esprit d’équipe sur le terrain. Mais qu’importe si cela ne l’empêche pas d’asseoir sa place de deuxième nation sportive au monde, derrière les Etats Unis, les Jo de 2012 faisant foi.

En définitive, quand le Prophète a recommandé d’aller jusqu’en Chine pour y chercher le savoir, Demba Bâ y va pour apporter son football. Avec sans doute l’espoir d’y apprendre autre chose.

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