Là où Diawara dort, les lumières blafardes n’ont rien à voir avec la chaleur des projecteurs dont les reflets dansent sur le gazon. Les couloirs sinistres qu’il arpente ne mènent nulle part qui ressemble à ces enceintes où il débouchait il y a peu pour se faire happer par la clameur qui sort des poitrines, inonde la pelouse et enveloppe ces stades où les drapeaux et les banderoles flottent au vent. D’un pas altier et dopé par l’énergie du conquérant, on le sentait toujours prêt à se lancer dans la bataille pour la gloire.
Avec son physique de déménageur, son allure de casseur, son regard d’acier et son visage comme taillé à la serpe, Diawara rappelle le gladiateur de la Rome antique prêt à ne laisser que ruine et désolation là où l’adversité l’appelle. On l’a vu foncer sur Ronaldo un soir de Real-Marseille, au Stadio Bernabeu, le contact ressemblait à un accident de train.
Tiens, Diawara sortait déjà d’une garde-à-vue, pour défaut de permis de conduire. C’est depuis un commissariat de Marseille qu’il avait foncé vers Madrid, pour rejoindre ses coéquipiers qui ne l’avaient point attendu. On était la veille du match.
Avec un tel état de service et un délit de “sale gueule” qui colle facilement à son portrait-robot, l’affaire Diawara semble pliée. Une sorte de malheur dont le scénario s’écrit dans la fatalité. Les témoignages à décharge qui tombent de ses coéquipiers pour mettre son cœur pur au dessus de son image de “fer-béton-acier”, le flot de sympathies pour sa cause qui déborde sur les médias sociaux, jusqu’à cette missive de soutien partie de la Fédération sénégalaise de football rappelle la bouteille d’eau à la mer.
Il ne reste que l’espoir de voir ces vagues de solidarité et de compassion échouer sur une plage de réconfort.
Diawara n’est pas le premier sportif à afficher ses faiblesses sous les coups d’un délit. Dépouillé de la puissance de la gloire, simples justiciables devant des juges parfois impitoyables pour piétiner les ego devenus sans relief, beaucoup ont fait pitié. Certains avaient tué leur femme (feu Carlos Monzon, ex-champion du monde de boxe argentin), d’autres avaient violé (Mike Tyson), violenté (Tony Vairelles, champion du monde de football avec la France, en 1998), ou volé, etc.
Diawara n’a rien fait de tel ; il n’en est pas non plus au stade du jugement. Mais le mal est fait.
Il y a toujours un brouillage des repères quand de tels modèles se brisent et que le reflet du miroir renvoie des éclats difformes. La pire des situations se vit lorsque les malheurs frappent en plein vol pour la star. Mike Tyson était champion du monde à 20 ans, 4 mois et 23 jours. Doté d’une capacité de destruction phénoménale qui faisait que tous ses combats sentaient le souffre, c’est le viol d’une fille de 18 ans qui lui a infligé le pire ko de sa vie, avec 3 ans de prison qui l’ont étalé pour de bon.
Condamné à 5 ans de prison pour le meurtre de sa petite amie, Oscar Pistorius est sans doute fini. Les exemples existent à foison.
Diawara, lui, connaît le tacle glissé fatal à un moment où sa carrière tire ses dernières longueurs. Derrière lui les assurances qui feront le reste de sa vie ont dû déjà être consolidées. En termes de perspectives, ce sont juste des extras qui peuvent tomber pour apaiser ses perspectives de retraite pour le champion.
Ce n’est pas pour adoucir son malheur, c’est juste pour en relativiser les conséquences au regard de sa carrière. C’est le moins qu’on puisse lui souhaiter.
PS : On se joint aux condoléances présentées suite au décès de Djibril Albert Ndiaye, survenu le mardi 14 avril. Sa passion pour le sport était sans limites. Au-delà de son travail d’encadreur et d’éducateur de football. Il l’exprimait à travers un flot de contributions qui ont inondé les rédactions pendant plus de trente ans.
La première fois que son écriture si particulière m’est tombée sous les yeux, c’est en 1983, à Takusaan, un quotidien de l’époque. A partir de 1984, il était rare de faire un tour à la boîte postale de Wal fadjri sans ramener cette enveloppe timbrée depuis Gorée, porteuse de son point de vue sur les débats agitant le football sénégalais.
Ses idées véhiculaient de la pertinence, mais on était aussi séduit par sa calligraphie. Dans ses “p”, “q”, “g”, “f” “j”, “y” et “y” la descendante (autrement dit, la “queue” de la lettre) ne dépassait jamais la portée. Ses lignes étaient belles. Djibril Albert Ndiaye écrivait sans doute en utilisant une règle plate comme butoir.
Il y a quelques semaines, une de ses contributions trainait encore sur une table à Waa Sports. Il continuait à les écrire à la main, alors que la généralisation de l’information a fait disparaître les opérateurs de saisie dans les rédactions. Il n’y avait plus personne pour “taper” ses textes. Sans doute raison pour laquelle on le lisait moins.
Adieu “Responsable de l’École de football Alassane Ndiaye Allou”