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S’il se glorifie de ses 9 buts qu’il a inscrits en Premier League russe avec son club, Kuban FC, Ibrahima Baldé, estime que cela constitue pour lui un stimulant afin de réintégrer la Tanière et de faire partie de la première génération de footballeurs qui donnera au Sénégal son premier trophée  continental. Entretien

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Ibou, qu’est-ce qui a motivé votre départ d’Osasuna (Espagne) à Kuban FC (Russie) ?

Quand je quittais l’Espagne pour la Russie, il y a eu beaucoup de débats.
Les gens n’ont pratiquement pas compris cette décision. Personnellement, je ne regrette pas. J’avais non seulement une bonne offre, mais après les Jeux Olympiques, je n’avais pas assez de sollicitations à part l’Angleterre. Mais, là aussi j’étais bloqué par le «Work permis», qui demande 75% de sélections avec l’équipe A ; c’était trop compliqué. Mais ce qui est  aberrant, c’est que dans mon club espagnol d’Osasuna, les dirigeants avaient pris l’engagement de diminuer tous les gros salaires. Moi, j’étais parmi ceux qui n’ont pas cédé. Du coup, j’ai accepté l’offre des Russes qui ne voulaient pas se faire doubler par les Anglais. Osasuna a accepté de me laisser partir. Depuis mon arrivée en Russie tout se passe bien.

Quel bilan à mi-parcours tirezvous  de votre saison ?

Je dirai qu’à ce stade, on ne doit plus baisser le bras. À moi de bosser davantage parce qu’il y a la deuxième saison qui se profile à l’horizon, il faut mettre le paquet pour arriver sur le plafond. Je suis vraiment content de ma saison.

Parlez-nous un peu de vos relations avec Djibril Cissé et Falcao que vous avez côtoyé en clubs ?

Ces joueurs ont des caractères personnels. Il faut les côtoyer pour savoir quel genre de personne ils sont pour vivre avec elles. Avec «Djib» (Djibril Cissé), tout allait bien au début, mais vers la fin avec la concurrence, il y a eu quelque distance puisque c’est moi qui jouais souvent. Il y avait une concurrence saine. En manque de temps de jeu, il a décidé de partir vers la France (Djibril Cissé s’est engagé avec Bastia, ndlr). Moi, je faisais mon travail, et comme j’ai l’habitude de le dire, je sais là d’où je viens et je sais aussi que je n’ai pas droit à l’erreur. J’ai conscience que je porte un lourd fardeau.

Pensez-vous qu’un joueur comme Falcao pourra réussir en France ?

Lui, c’est un joueur talentueux. Il fait partie des rares attaquants qui peuvent dormir dans un match et exploser tout d’un coup. Il a un talent immense. Maintenant ça dépend de ses humeurs. Et en le voyant jouer, on sent nettement qu’il peut encore faire mieux.

Quel objectif vous êtes-vous fixé ?

Dans ma tête, je veux faire comme mon frère Dame Ndoye, c’est-à-dire jouer chaque fois et marquer beaucoup de buts. En tant qu’attaquant, on ne peut me respecter qu’en marquant des buts parce que c’est notre raison d’être. Je veux être parmi les meilleurs buteurs du Championnat russe. Là, j’ai 9 buts et j’aimerais faire mieux. Pour mes projets, la Premier League y a une place de choix. Je pense que faisant partie de la première génération à qualifier le Sénégal aux JO, je souhaite faire partie de cette première génération qui va gagner une Coupe d’Afrique pour le Sénégal.

Comment se passe la cohabitation avec Dame Ndoye avec qui, vous partagez le même championnat ? 

On se parle tout le temps au téléphone. Et Dame Ndoye, vu son expérience, ne cesse de me donner des conseils. À chaque fois que j’ai des clasicos, il n’hésite pas à prendre son téléphone et à m’expliquer un
peu la manière de défendre de l’équipe adverse. À chaque fois qu’il m’appelle, je suis non seulement buts. On est tout le temps en contact. Pas plus tard qu’hier, on s’est vu et on a beaucoup discuté. C’est un frère que je respecte beaucoup. Quoi que l’on dise, Dame Ndoye est un modèle parce qu’il est humble.

N’êtes-vous pas victime de racisme en Russie comme la plupart des joueurs de couleurs ?

C’est vrai que le racisme y règne, mais moi je n’en ai jamais été victime. Après mes séances d’entraînements ou les matchs, je rentre chez moi. Je ne traîne pas partout. Je ne fréquente pas les endroits où on peut me manquer de respect. Après mon boulot, je rentre. Maintenant sur les terrains, les supporters adverses peuvent vous crier dessus, vous huer, ça c’est normal parce que le football a aussi ses réalités. Mais dans la vie quotidienne, je n’ai pas connu de racisme.

Et si on parlait de l’équipe nationale du Sénégal ?

Franchement, j’ai été choqué dernièrement de ne pas pouvoir défendre les couleurs de mon pays. Quand les entraîneurs disent qu’ils privilégient l’aspect sportif et la compétitivité en club et que moi je joue régulièrement dans mon club, je ne comprends pas. En un moment, je ne comprenais même pas pourquoi on ne me convoquait pas Mais je suis du genre à ne pas m’épancher dans la presse pour crier par respect aux autres qui sont sélectionnés. Moi, je ne critique pas, je préfère faire mon travail dans mon
coin et saisir la petite occasion qui me sera offerte.

Le coach vous a-t-il donné des explications ?

Au match retour qu’on a joué à Casablanca contre la Côte d’Ivoire, Alain Giresse m’a effectivement appelé. Il m’a annoncé que je ne faisais pas partie de la liste des joueurs retenus. Et sincèrement, j’ai apprécié ce geste et je lui ai même dit qu’aucun entraîneur ne m’avait jamais informé de sa décision de ne pas me faire appel, que c’est dans la presse que j’étais informé. Mais au moins avec Giresse, il m’a appelé pour me le dire de vive voix. C’est vrai que j’étais abattu quand il m’a informé parce que dans ma tête j’étais déjà prêt pour ce match. Après le coup de fil du sélectionneur, je n’ai pas pu dîner. Heureusement que ma femme était là pour me remonter le moral. Le coach n’a pas besoin de justifier ses choix, mais c’est bien d’informer le joueur qu’il n’a pas été sélectionné. Et sur ce point, je le remercie vivement.

Qu’est-ce que ça vous fait de suivre l’équipe nationale à distance ?

Je me rappelle mon premier match avec l’équipe A, c’était contre le Liberia au stade Léopold Sédar Senghor. Ce jour-là, j’avais marqué. Vous ne pouvez pas imaginer ce que ça fait de porter le maillot national. Sur le terrain ou sur le banc de touche, j’ai toujours envie de me transcender pour mon pays. Avant d’en arriver là, en tant qu’enfant de la banlieue, avec une pièce de 100 FCFA, je n’hésitais pas à prendre le car rapide pour venir suivre les séances d’entraînements des Diouf, Henri Camara et autres. Si aujourd’hui, j’ai la chance de porter ce maillot, je ne dois pas m’amuser avec. Parfois, j’ai les larmes aux yeux quand je ne joue pas. Je ne trouve jamais d’explication. Mais à la fin, on se dit qu’il faut retourner en club et faire ses preuves pour encore une fois taper dans l’œil de l’entraîneur.

Comment vous sentez-vous en club si on ne vous sélectionne pas ?

Pour le dernier match, le directeur technique de notre équipe n’a pas arrêté de me poser la question à savoir pourquoi le coach me fait voyager des kilomètres et me laisse sur le banc de touche. Parce que contre la Côte d’Ivoire, il pense qu’on a manqué de buteur et pour lui, je pouvais jouer ma partition. Même si je lui dis qu’on a de grands buteurs devant et que la concurrence est terrible, il pense qu’avec un serial buteur, c’était possible de passer. Mais moi je pense que la qualification a été ratée au match aller.

Pouvons-nous s’attendre à un retour en force de Baldé en sélection ?

(Eclats de rires). Je crois tellement en moi que je ne me fais pas de doute. Dans ma tête, je ne pense qu’à la gagne. Je remets toujours au prochain match à chaque fois qu’on ne me classe pas. Je suis persuadé qu’un jour Dieu me donnera la chance de prouver en sélection.

Etes-vous d’avis qu’une autre équipe du Sénégal est née après le match retour contre la Côte d’Ivoire ?

Franchement, le Sénégal a surpris tout le monde entier. Le match contre  la Côte d’Ivoire a permis à certains de montrer qu’au Sénégal, il y a  toujours de la matière. Le produit est là, on doit pouvoir tout faire pour que la mayonnaise prenne. Parfois, je me demande ce qui ne va pas avec notre équipe nationale, mais je n’ai jamais eu de réponse. On a des attaquants et tout ce qu’il faut pour jouer les premiers rôles.  ranchement, la situation de l’équipe nationale m’inquiète. Pourtant, nos joueurs évoluent tous dans de grands clubs européens. On joue tous les weekends, mais une fois en équipe nationale, on ne comprend rien. Maintenant, je demande aux Sénégalais d’unir les coeurs afin que l’équipe nationale gagne au moins une Coupe d’Afrique. Ce n’est pas normal que jusqu’à présent, on n’a jamais rien gagné. On doit oublier 2002, nos frères ont tout fait pour laisser leurs noms dans l’histoire du football sénégalais. À nous maintenant de nous donner plus de moyens pour faire mieux que cette génération. On ne doit pas se cantonner seulement sur cette année de gloire du Sénégal.

Suivez-vous le championnat sénégalais ?

Bien sûr, en tant que fils de Pikine, je suis avec un intérêt particulier l’évolution du championnat sénégalais. Mais je pense qu’il y a un problème d’infrastructures au Sénégal. Puisque le football a été professionnalisé il faut l’accompagner. On a besoin de développer le produit local.

Avez-vous l’occasion d’aller suivre un match de Ligue 1 cette année ?

J’ai récemment suivi le match Port / AS Pikine (Ndlr : 2ème journée, jouée dimanche dernier). Et je pense que si les footballeurs sont mis dans de bonnes conditions, ils se libéreront. Le niveau est bon, le rythme y est mais les joueurs sont freinés dans leur élan par l’état des pelouses. C’est vrai que je n’ai jamais joué dans le championnat du Sénégal, mais je connais bien les réalités pour avoir  évolué dans le Navétane.

 

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