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L’assassinat de Senzo Meyiwa, ex gardien de but d’Orlando Pirates et des Bafana Bafafa, tué dans un  cambriolage à main armée au domicile de sa compagne, dimanche, a plongé toute l’Afrique du Sud dans l’émoi. Issa Sarr, coéquipier du défunt en club, est encore sous le choc. Le milieu sénégalais de 28 ans fait un témoignage émouvant sur le portier de 27 ans dont il était très proche dans le vestiaire.

Quelles relations entreteniez-vous avec Senzo Meyiwa, votre capitaine et gardien de but, tué par balles dimanche ?

C’est quelqu’un avec qui j’échangeais beaucoup. Ma position de milieu défensif, l’amenait souvent à me donner des instructions pour que j’empêche les frappes de loin. Senzo me disait que c’est sur les deuxièmes ballons qu’il a encaissé beaucoup de buts la saison dernière. A la fin du match, il me demandait souvent de lui prêter ma serviette. Nous étions vraiment très proches. Il me parlait de ses voyages en Afrique, surtout lorsqu’il est venu une fois au Sénégal pour une compétition en petites catégories. Il disait que c’était un beau pays. Dans le vestiaire, nous étions toujours côte à côte, parce que nos placards sont contigus. En Afrique du Sud, les équipes ont l’habitude de faire une prière au terme des rencontres. Et après la victoire de samedi (4-1 face à l’Ajax Cape Town, quart de finale Coupe de la Ligue,Ndlr), j’étais à côté de lui quand on priait. A la fin, je lui ai dit : « A lundi et repose-toi bien ».

Qu’est-ce qui vous liait vraiment ?

Il a fait partie de ceux qui m’ont accueilli quand je suis arrivé en Afrique du Sud. Il m’a invité trois ou quatre fois chez lui, alors que jusqu’à présent, je ne connais même pas la maison des autres joueurs. Il me disait que si j’étais à Orlando l’année passée, l’équipe aurait pu gagner beaucoup de trophées.  On abordait beaucoup de sujets dans nos discussions. Il était ouvert et je ne l’ai jamais vu se fâcher. Il était toujours souriant et chambreur. Quand le coach est parti après le match de samedi, un joueur a mis de la musique et Senzo esquissait quelques pas de danse. Il aimait bien danser.

«Senzo Meyiwa fait partie de ceux qui m’ont accueilli en Afrique du Sud»

Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de son assassinat ?

Sa mort m’a vraiment surpris et atterré. Senzo était quelqu’un d’extraordinaire. J’ai déjà perdu des proches sans pour autant pleurer. Mais quand j’ai appris son décès, je n’ai pas pu m’empêcher de verser des larmes. Lors de notre dernier match, je lui parlais de ses performances. Alors que nous étions en train de faire le tour du stade pour saluer le public, je lui disais, sur un ton blagueur : « Je ne sais pas quel est ton train de vie train de vie actuel, mais ne le change pas ». Il a rigolé. Parce qu’il avait une liaison extra conjugale et la presse en avait fait ses choux gras pendant un moment. Cela avait été à l’origine de sa méforme pendant quelque temps. En Afrique du Sud, les Zoulou peuvent avoir une seconde épouse, mais la loi ne la reconnaît pas. Il se dit qu’il avait marié la fille en question et c’est de là que serait partie sa méforme. D’ailleurs, c’est chez elle (à Vosloorus, un township situé à 20 km au sud de Johannesburg) qu’il y a eu l’accident qui lui a coûté la vie (les voleurs exigeaient des téléphones portables, Ndlr).

Où en est l’enquête ouverte depuis dimanche ?

La police a dressé les portraits robots des deux suspects et l’un d’eux ressemble beaucoup à l’ex ami de sa copine (Kelly Khumalo, une star de la chanson, Ndlr). Mais rien n’est encore sûr. La famille de Senzo a interdit à sa copine d’assister aux funérailles. Tout le monde l’accuse ici. Les gens disent qu’elle connaît les tueurs.

Il se dit qu’il était un grand espoir du football sud-africain…

A 27 ans, il était bien parti pour faire une grande carrière. Il était sur une bonne lancée et tout le monde disait que c’était sa saison. Chez les Bafafa Bafana, dont il était aussi le capitaine, il restait sur une bonne série sans encaisser de buts, avec quatre clean-shets lors des quatre derniers matchs en éliminatoires de la CAN 2015 (Sudan, Nigeria et Congo). En club aussi, il n’en avait pas pris, jusqu’au match de samedi (4-1) où il a encaissé un but sur penalty. Il a énormément fait pour Orlando. La saison passée, il a été le grand artisan de la qualification de l’équipe en finale de la Ligue des champions, en arrêtant deux penalties en demi-finale contre le TP Mazembe. Senzo était un fils du club. Il y est club depuis ses 13 ans (2005/06). Il sera inhumé ce samedi à Durban et le derby contre Kaiser Chiefs a été reporté. Les Zoulou (son ethnie) veulent enterrer dignement leurs fils et toute l’équipe prendra l’avion ce vendredi pour y assister, samedi (demain).

«En Ligue des champions, Pikine doit s’attendre à des matches très difficiles»

N’avez-vous pas peur de vivre dans un pays où le nombre de meurtres est à peu près de 47 par jour, alors que la moyenne mondiale se situe entre 6 et 7 par an pour 100 000 habitants ?

Senzo habitait dans une zone très dangereuse, un township (banlieue) de Durban. Mais pour ceux qui sont nés et y ont grandi, cela ne représente pas un problème. Je n’ai pas peur de vivre en Afrique du Sud. J’habite dans une cité résidentielle très sécurisée. A part aller aux entraînements, je ne sors pas. A partir de 18 heures, je ne sors plus. Je suis habitué à cette vie depuis que je jouais au Sénégal. Même quand j’étais à l’AS Pikine, je restais tout le temps dans mon appartement. Quand je sortais, c’était pour aller aux entraînements, en club ou en individuel à la plage.

Parlant justement de Pikine, qu’est-ce que cela vous fait de voir le club réaliser un doublé inédit Championnat/Coupe du Sénégal en 2014 ?

Cela me fait vraiment plaisir de voir Pikine réussir cette performance. J’ai un petit regret, parce que j’aurais souhaité faire partie de l’équipe qui a réussi ce doublé. J’avais très envie de gagner quelque chose avec l’AS Pikine comme je l’ai fait avec le Jaraaf (champion du Sénégal en 2010). Modou Fall est un travailleur et il a de l’ambition. Malgré tout ce qu’il subit à Pikine, il cherche toujours à hisser le club au sommet. C’est un homme de forte conviction. L’entraîneur aussi, Alassane Dia, est en train de réussir sa feuille de route. En réunion, il nous disait que son objectif était de faire partie du top 5 la première année, et essayer de remporter des trophées la saison suivante. Il a réussi à réaliser ses ambitions.

Qu’est-ce que l’équipe doit faire pour réussir sa campagne en Ligue des champions ?

Tout dépend de l’adversaire. Il faut nécessairement faire un bon recrutement pour se renforcer, parce que c’est toujours très difficile d’aller à la conquête de l’Afrique. Il leur faut des joueurs d’expérience qui connaissent le haut niveau. Mais je connais Modou Fall, il cherchera les meilleurs joueurs pour réussir cette campagne. Ils peuvent s’en sortir, mais ils doivent d’ores et déjà s’attendre à des matches très difficiles.

«C’est dommage qu’au Sénégal, on ne prête pas attention à ceux qui jouent en Afrique»

Vous avez été champion du Sénégal avec le Jaraaf, qui sera dirigé cette saison par Amara Traoré. Pensez-vous que cela pourra leur permettre d’atteindre leurs objectifs ?

Le Jaraaf est comme Orlando Pirates. Ce sont deux clubs qui ont presque la même culture de la gagne. Ils (Orlando) sont habitués à disputer au moins une, deux à trois finales chaque année. Ce sont des équipes qui n’ont pas de patience, parce que les résultats doivent toujours être au rendez-vous. Elles ont une grande histoire et les joueurs doivent honorer le maillot. Avec Amara Traoré, je pense qu’ils gagneront quelque chose cette saison. C’est un grand entraîneur, avec de très grandes ambitions. On ne le présente plus au Sénégal.

Après avoir gagné le tournoi de l’UEMOA avec l’Équipe nationale locale (2011), pensez-vous à la sélection A ?

Tout Sénégalais a envie de défendre les couleurs nationales. C’est le rêve de tous les footballeurs sénégalais. Il y a des gens qui me proposent de l’argent pour défendre les couleurs d’autres pays. Mais cela ne m’intéresse pas. Si ce n’est pas le Sénégal, je ne jouerai pas pour un autre pays. Je suis convaincu que ce sont mes performances qui doivent me permettre de venir en Équipe nationale. Mais c’est dommage, au Sénégal, on ne prête pas attention à ceux qui jouent en Afrique. Ils regardent seulement vers l’Europe. Pourtant, le Ghana est au-dessus du Sénégal, mais évolue toujours avec des joueurs des locaux. Lors de son dernier match, il a joué avec  un défenseur central qui joue dans un club de bas étage en Afrique du Sud. Cela n’a pas empêché les Bafana Bafana de gagner (3-1 contre la Guinée). Tous les Sénégalais qui sont ici sont titulaires dans de très grands clubs. Même mon entraîneur à Orlando, n’a pas compris pourquoi je ne suis pas appelé en sélection nationale.

Avez-vous des offres pour quitter l’Afrique du Sud et rejoindre l’Europe ?

Pour le moment, je ne pense pas quitter l’Afrique du Sud. Je veux prendre le temps de m’adapter et continuer à être performant avec Orlando Pirates. Il y a de l’argent, mais les joueurs sont frappés d’une taxe de 40% sur les salaires. Mais tout compte fait, on ne se plaint pas.

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