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Une usine se meurt, une équipe de football risque de disparaître. On pense à la Suneor.

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La fatalité ne s’est pas encore inscrite dans l’inéluctable, mais elle guette. On a déjà vécu un tel désastre, qui fait que la Sidec ne dit rien aux footeux de moins de 35-40 ans. Il fut également un temps où, dans les années 1990, l’Entente Sotrac-Ouakam jouait un rôle leader.

Portées par des entreprises qui ont fait faillite, ces équipes n’avaient pas en elles-mêmes la dynamique et les moyens de leur propre survie. En dehors du corps porteur, point de salut, car il n’y a jamais eu un système pour encadrer cette formule du football d’entreprise dont on a pensé, au début des années 1980, qu’elle pouvait constituer une voie de salut. Finalement, il a survécu comme un anachronisme, une anomalie sans trop de sympathie.

Le paradoxe, dans la situation actuelle de la Suneor, c’est que l’usine se trouve au stade de la dislocation alors que son équipe de football pointe à la 3e place de Ligue 1. Mais le potentiel d’entrainement n’est pas dans le ballon, il est dans le bilan d’entreprise. Le Quotidien évoque 48 milliards de francs de dettes et il faut faire table rase pour laisser l’avenir entre de nouvelles mains. Celles-ci arrivent avec une nouvelle enseigne : Suneol.

C’est la quatrième fois que l’équipe diourbelloise changerait de nom, après avoir été floquée Seib, Sonacos puis Suneor. A chaque nouvelle enseigne au fronton de l’usine, ce n’est pas la continuité qui s’installe dans les vestiaires, mais une histoire qui s’éteint. Derrière chaque nom, il y a une identité, un référentiel, un repère, le sentiment intime d’un vécu qui forge un attachement quasi éternel.

Si la Jeanne d’Arc est aussi bruyante dans son refus de mourir, c’est parce que, depuis près de cent ans, son histoire s’écrit sous une identité que des générations se sont transmise.

La disparition de la Suneor, qui se dessine, tient à une formule mal ordonnée à ses origines. Quand le football d’entreprise émergea à la fin des années 1970, c’était pour combler les limites de la «Réforme Lamine Diack» de 1969. Les grands clubs espérés dans les fusions avaient fait long feu. Les deux seules formations à avoir atteint des sommets en Afrique, dans la foulée, avec la Ja (1974) et Gorée (1979), comme demi-finalistes de la Coupe d’Afrique des clubs champions, étaient restées homogènes, hors des tendances fusionnelles. Mais derrière leurs forces, il y avait toutes les faiblesses des autres clubs traditionnels en termes de moyens et de capacité de mobilisation des facteurs financiers de performance.

Le football est bien né au XVIIIe siècle derrière les murs d’usine et à l’ombre des cheminées d’Angleterre. Mais ce n’est pas dans les mines de phosphates de l’Etics, dans les entrepôts du Port et de la Douane, dans les garages de la Sotrac, dans les champs de canne de la Css (Assur) ou encore sous les presses à huile de la Seib qu’un miracle sénégalais fera jour.

Certaines réussites n’ont servi qu’à bâtir de petites royautés locales, aux ambitions ratatinées par le défi continental.

Au moment où le football sénégalais s’essayait à cette formule, l’Algérie avait fini d’en faire une exploitation rationnelle et heureuse. Dans les belles heures du boom pétrolier du milieu des années 1970, ce pays avait bâti son sport dans un parrainage où le Mouloudia pétrolier d’Oran et la Jeunesse électronique de Tizi Ouzou ont incarné une excellence qui s’est traduite par une victoire en Coupe d’Afrique des clubs champions devant le Hafia en 1976 (Mouloudia) et une finale en Coupe des nations perdue à Lagos devant le Nigeria en 1980, pour aboutir à la phénoménale odyssée du Mondial-1982.

Le malheur de l’expérience sénégalaise du football d’entreprise est d’avoir commencé dans un environnement de crise marqué par le premier programme de redressement économique et financier, inauguré dans les dernières années du régime senghorien. C’est dans la dévaluation et le programme d’ajustement structurel du milieu des années 1990, que l’initiative du Port a aussi fini dans des eaux troubles. L’absence de cohérence et la non-existence d’un schéma structuré de l’implication de l’entreprise dans le foot, conçu par la fédération et appuyé par l’Etat, a fait le reste pour conduire à l’échec.

La Suneor, qui risque de disparaître, renseigne encore une fois sur le fait que l’approche n’est pas viable, dans les conditions actuelles. Lagardère, malgré ses milliards, n’a pas su imposer le Matra Racing comme concurrent du Psg. Sochaux vit toujours, mais ne s’appelle pas Peugeot. Au Nigeria, on n’entend plus parler de Julius Berger, encore moins d’Abiola Babes. D’autres clubs éponymes survivent sans doute, comme le Bayer Leverkusen. Mais il y a des approches plus dynamiques en matière de sponsoring, pour poser l’entreprise au milieu du football, dans un rapport dynamique, mais pas à travers une relation captive.

En Europe, se développe une nouvelle formule. Elle consiste à chercher des sponsors pour chaque match, avec une mise aux enchères pour figurer sur le maillot. Une équipe qui marche devient alors un super produit.

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