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Les Lignes de Tidiane Kassé

On est loin d’une tendance lourde, annonciatrice de lendemains heureux, mais on note un frémissement intéressant dans le football sénégalais. Après cinq années d’existence, la Ligue professionnelle commence à se positionner sur le marché régional. On ne le sent pas trop, mais le mercato actuel ne se joue pas seulement dans les limites des frontières nationales. Il déborde vers les pays voisins et tend à donner une identité plurielle à un football qui tendait à s’atrophier sur lui-même. Et le ruisseau de ces dernières commence à voir son lit s’élargir.

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On est encore loin des transferts ronflants qui affolent le marché européen, sur fond de valse des célébrités et de milliards, mais voir les clubs sénégalais s’approvisionner davantage du côté du Nigeria, de la Gambie, de la Guinée ou de la Côte d’Ivoire n’est pas un fait banal. Rien de nouveau en cela, mais le contexte actuel donne une tonalité différente à ce flux.

C’est depuis la période «aofienne» que Dakar s’est positionnée comme un pôle d’attraction. Capitale de l’Empire colonial occidental français, pôle économique, administratif et universitaire, elle a vu affluer différents types de migrations qui ont alimenté le sport sénégalais en talents. Nombre d’entre eux ont marqué les équipes de club, voire les sélections nationales. En tant qu’étrangers ou enfants de l’immigration. Le Malien Matar Sow a laissé des traces indélébiles au Jaraaf dans les années 1970, de même que le Camerounais Sylvain Koum. Et  l’international sénégalais Edouard Gnaccadia avait ses ascendances togolo-béninoises.

Différentes des premières tendances, l’immigration professionnelle a commencé à se faire sentir dans les années 1990, avec les projets de grands clubs qui émergeaient ici ou là. Le Port frappa le premier grand coup, avec l’international nigérian Monday Odiaka. Une véritable pépite qui avait disputé le championnat du monde des juniors en 1985.

Le projet du «Grand Ndiambour» nourri par l’ancien président Magued Diouf servit aussi d’ouverture vers l’extérieur. C’est ainsi qu’on vit débarquer à Louga… deux Brésiliens. Mais ces derniers n’avaient pas apparemment le même Adn que les Pelé, Jaïrzinho, Romario, etc., et l’aventure tourna vers une farce vite escamotée.

C’est surtout la Jeanne d’Arc, sous l’ère de feu Oumar Seck, qui systématisa une véritable politique de recrutement dans la sous-région, devenant le plus grand club africain jamais bâti au Sénégal, avec une demi-finale de Ligue des champions disputée en 2004, après une finale de Coupe de la Caf en 1998.

La différence, avec le cadre référentiel d’aujourd’hui, tient au fait que le football sénégalais évolue dans un environnement professionnel généralisé. Qu’on n’a plus affaire à des initiatives isolées, basées sur des structures informelles, mais à une expérience adossée à une armature juridique, obéissant à des normes organisationnelles codifiées.

Sauf que ce qui attire tant est encore embryonnaire.

Des acquis ont permis, depuis cinq ans, de maintenir tant bien que mal le navire sur les flots. Mais il s’agit plus d’un rafiot qui peut couler à tout instant, que d’un paquebot naviguant toutes sirènes dehors. Les clubs sénégalais dits professionnels sont encore englués dans les lourdeurs structurelles du passé, baignent dans un environnement économique qui traduit plus la misère que l’aisance et traficotent dans un cadre juridique dont l’élasticité reste favorable à toutes sortes de violations sur lesquelles les structures de régulation ferment les yeux.

Un petit rayon de soleil a éclairé la saison dernière. Peut-être même que c’est sa chaleur qui a impulsé la tonalité nouvelle notée chez les clubs. Pour la première fois, en effet, on a eu droit à un calendrier maîtrisé d’un bout à l’autre, loin du cafouillage, voire du chaos et de la débrouille des premières années.

Mais au regard de la stature des joueurs que les lampions de Dakar attirent pour le moment, le chemin est encore long qui ferait du football sénégalais un cadre de convergence régional porteur.

Il suffit pourtant de peu, dans un pays qui offre un bon cadre d’exposition au marché international. Car, comme dans la plupart des formes de migrations, le footballeur est plutôt un transhumant en transit. Dans sa tête, une étape en appelle une autre. L’ouverture qu’offre Dakar sur le monde est donc un atout dans cette errance vers le mieux-être.

Ceci rappelle l’histoire de René Gaulon. Béninois d’origine, ayant joué pendant des années au Racing club de Dakar, il vit Raoul Diagne l’emmener en France en 1949. Il débuta au Stade Français, pour voir sa carrière professionnelle culminer avec le Stade Rennais dont il fut le moteur dans les années 1950.

La saison qui s’ouvre voit se poser un nouveau jalon pour le football professionnel sénégalais. Mais pour avancer dans une œuvre de construction, il faut qu’un nouvel acquis vienne se bâtir sur les cendres d’un autre. C’est en consolidant ce qui a été qu’on peut avancer avec ce qui vient.

 

Waasport

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